Serge Lemoyne étudie à l’École des beaux-arts de Montréal de 1958 à 1960. Inspiré notamment de la scène artistique new-yorkaise, il est l’un des premiers artistes multidisciplinaires québécois à créer des happenings dans les années 1960. Lemoyne est également membre fondateur de collectifs d’artistes comme l’Horloge, Nouvel ge et Zirmate.
Lemoyne veut briser les frontières entre l’art, l’artiste, le musée et le public. Pour lui, l’art fait partie intégrante de la vie publique. Sa décennie Bleu-Blanc-Rouge, qui donne naissance aux œuvres les plus marquantes de l’artiste, s’inspire d’ailleurs du Canadien de Montréal, puissant symbole sportif et culturel au Québec.
Toujours à l’affût des nouvelles technologies, Lemoyne affectionne particulièrement le monde de la caméra et du cinéma. Tout au long de sa carrière, il zoome sur certaines parties de ses œuvres pour en faire de nouvelles, souvent plus abstraites.
Homme excentrique et tourmenté, Lemoyne retourne régulièrement à Acton Vale pour se ressourcer. Sa maison familiale deviendra un gigantesque atelier à ciel ouvert, et ce, jusqu’à son décès. Lemoyne est emporté par un cancer en 1998, quelques semaines seulement après avoir reçu son diagnostic.
De tout temps, Lemoyne revendique une place plus importante pour l’art contemporain québécois, y compris ses œuvres, dans les institutions muséales. Cette soif de visibilité et de reconnaissance le mène parfois à des coups d’éclat. Lors de l’inauguration du Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, Lemoyne se présente à tous les journalistes présents et leur explique qu’il a une œuvre exposée au Musée… avant de se retourner pour montrer une de ses peintures qu’il s’est accrochée au dos. Il veut ainsi attirer l’attention sur son travail, mais également sur l’art visuel québécois.
Lemoyne peut être très critique envers le milieu dont il cherche la reconnaissance. Lors du vernissage de son exposition « Le triste sort réservé aux originaux » à la galerie Michel Tétrault en 1984, Lemoyne se terre au sous-sol alors que des diapositives de ses nouvelles œuvres sont présentées au lieu des peintures originales. Ses acolytes filment la réaction interloquée des invités, que Lemoyne peut voir en simultané. À sa manière, Lemoyne veut dénoncer la façon dont les galeries et musées évaluent les dossiers d’artistes.
Ces revendications n’empêchent pas Lemoyne de multiplier les grandes réalisations artistiques, comme en témoignent les séries Bleu-Blanc-Rouge et Période supplémentaire ainsi que l’Hommage à Matisse, notamment. Ces œuvres abouties sont rapidement reconnues par les pairs de Lemoyne, mais l’intérêt ne vient que plus tard, particulièrement après son décès.